Quand on arrive à l’hôpital de jour ou au centre d’accueil thérapeutique à temps partiel, on est souvent accompagné de toutes sortes de bagages volumineux : des valises de tristesse, voire de désespoir ; des carnets de colère et de fatigue ; des sacs de diagnostics et de questionnements ; des cahiers de surmenage et d’impuissance ; des sacoches d’espoir et d’attentes.
Tous ces bagages se déposent ici pêle-mêle. Ils sont souvent le résultat d’années d’accumulation, d’incompréhension et même d’errance. Autant pour les jeunes qui sont accueillis dans ces lieux, que pour leurs familles. Il faut alors tout déverser sur la table et commencer à écouter, comprendre, accepter, trier, ranger, tenter, ajuster, transformer, apaiser.
Dans cette (re)construction globale, le projet « À la recherche de nos racines » essaie, par la pratique artistique et le travail de la terre, d’accompagner les familles et de travailler à l’endroit des liens : ceux au sein de la famille, au sens large, incluant les personnes qui font ressources pour elles, mais aussi les liens qu’on entretient avec soi-même, et par extension les liens avec notre communauté.
Tous constituent le socle de notre identité personnelle et de notre identité familiale. Le mot « identité » étant entendu ici dans un sens anthropologique, c’est-à-dire, tout ce qui nous constitue, ce que nous choisissons pour nous définir.
Ainsi, progressivement, sur plusieurs séances, les jeunes et leurs familles ont pu se recentrer sur eux-mêmes, réfléchir à ce qu’ils voulaient montrer individuellement et collectivement. Faire et défaire, construire et reconstruire, fabriquer et découvrir. Se découvrir, faire ensemble, s’affirmer, agir.
Les outils mis à leur disposition (la photographie, les arts plastiques et la permaculture) ont permis de faire un pas de côté dans le quotidien du soin. Comme une parenthèse qui ouvre un espace commun où interagir différemment.
L’ensemble de ce travail s’inscrit dans l’hôpital de jour, offrant une transformation de l’espace extérieur en un jardin artistique nous plongeant au cœur de l’univers de chacun.
Les intervenants :
- Hélène Fiquet-Delaunay
- Xavier Delaunay
- Lydie Turco
La photographie
Nous avons travaillé sur l’identité personnelle et l’identité familiale, notamment à l’aide d’objets ayant une signification précise, soit parce qu’ils symbolisent un lien avec une personne, ou un moment précis, soit parce qu’ils symbolisent une passion ou une activité signifiante, pour la personne seule, ou pour la famille.
Ces objets, alors investis émotionnellement, ont donné lieu à la prise de vue de « natures vivantes », sur le même principe que les natures mortes en peinture, en réfléchissant à la signification portée par le cadre, l’angle et la lumière. Ils ont servi aussi pour les portraits individuels et collectifs, pensés et conçus avec les personnes. Une manière de matérialiser son identité et celle de la famille en la fixant sur l’image.
Un portrait de famille final a été effectué, dans le jardin travaillé avec la famille, incluant le totem familial effectué en art plastique. Ce portrait de famille, réunissant l’ensemble des éléments du projet, a été imprimé sur un papier japonais Washi (UNRYU), fait de fibres naturelles (bambous) qui sont apparentes, et relient les différents éléments entre eux : les personnes, le totem, le jardin, symbolisant les racines qui nous constituent.
Une partie des photographies, y compris celles prises pendant les temps de pratique plastique et de travail de la terre (le « faire »), ont été marouflées sur les murs intérieurs de l’hôpital de jour.
Merci à toutes et tous !
Les totems
Le Totem. Représentation symbolique de la famille par excellence.
Les Totems se retrouvent aux quatre coins du globe, dans de nombreuses cultures avec pour point commun le besoin ou l’envie de faire apparaitre à la fois ce qui réunit et différencie les différents membres d’une famille. Chaque membre est représenté, aïeuls et descendants, figurant ensemble sur un objet commun. Il semblait alors évident de s’inspirer de leur force ancestrale pour accompagner les familles à creuser dans leurs représentations communes et distinctes pour exprimer plastiquement ce qu’était leur propre famille.
S’inspirer de l’Avoir pour représenter l’Etre.
Chaque famille fut invitée à fouiller dans ses souvenirs et ses tiroirs, son imaginaire et ses « vies-de-poche » pour rassembler sur un tronc commun des petits objets de tous les jours, parfois oubliés ou négligés. L’accumulation ou plus précisément la combinaison de ces petites représentations de soi et de ces témoins de moments vécus rendent hommage à des familles plurielles, authentiques et uniques.
Créer, ensemble.
Une fois, les objets sélectionnés, vient le moment de l’action commune et de l’art du compromis esthétique. Les familles, accompagnées de leurs soignants et de l’équipe artistique ont investi pleinement ce temps dédié à la création commune dans un objectif esthétique et symbolique.
Le résultat de leur travail est bluffant d’originalité et de sincérité. Merci pour la confiance.
Le jardin
Connaissez-vous le bonheur de récolter le fruit de sa culture ?
Nous, les professionnels du CATTP et de l’hôpital de jour, les artistes, avons guidé les familles (parents, enfants, grand-mère et même amies de la famille) à réaliser, ensemble, au fil des saisons, un jardin potager à leur image.
Au sein de ces jardins, nous avons tenté de rassembler les parents et les enfants, les souvenirs et les envies, les échecs et les réussites.
Faire famille, ça se cultive.
Tout comme chaque être humain au sein de sa famille, une plante a des besoins primaires (se nourrir, se chauffer, respirer) et ne pourra s’épanouir que dans un environnement adapté. Elle a aussi des besoins spécifiques et/ou peut traverser des épreuves. La qualité de l’attention donnée à cette dernière contribuera à son épanouissement.
La permaculture :
Les trois principes éthiques de la permaculture nous ont servi de socle tout au long de cette aventure humaine partagée : prendre soin de la terre et de la vie, prendre soin de soi et des autres, créer des systèmes d’abondances partageables.
C’est ainsi, qu’à la suite d’échanges nourris, d’allers et retours au pays des souvenirs et de l’imaginaire, que ce jardin a été élaboré d’abord sur du papier, puis dans la terre. Des graines ont été semées, des arbustes plantés. Des plantes sont arrivées d’autres jardins pour venir s’implanter dans un nouvel environnement.
Nos amies les limaces nous ont enseignées la patience, la persévérance mais aussi l’acceptation de ne pas pouvoir tout maitriser.
Enfin, nos rencontres en journée complète ont été à chaque fois l’occasion de célébrer le plaisir d’être ensemble et prendre le temps de réaliser le chemin parcouru entre la première rencontre et aujourd’hui.
Merci à tous !