Quand la voix ne trouve plus son chemin pour exprimer les émotions, le corps prend le relais. Le corps est le rapport le plus immédiat que nous avons avec l’autre. La première chose qu’il voit, qu’il ressent, qu’il jauge. Il est un formidable médium à lui tout seul. Un lien entre notre psyché et le monde extérieur.
Mais il peut aussi trop contenir, si nous lui laissons tout porter. Nos peurs, nos colères, nos tristesses, nos culpabilités, nos envies, nos joies, nos surprises sont autant d’émotions fortes qu’il ne peut garder seul à l’intérieur. Lorsque la tête et le corps sont malmenés, il est parfois nécessaire de s’arrêter, de prendre le temps de se poser, de tout dénouer afin de laisser sortir ces émotions, ces états qui pèsent. Changer de regard, renouer avec soi, comprendre. Retrouver un équilibre perdu.
C’est cet instant que viennent chercher les jeunes qui sont hospitalisé.e.s dans le service de psychopathologie de l’adolescent au CHU de Rouen. Un moment suspendu, car plongé.e.s dans le tourbillon de la vie, ils et elles n’arrivent plus à voir et savoir qui ils sont vraiment, comment gérer leurs émotions et leur relation à eux-mêmes et aux autres. Parce qu’il s’agit toujours de pouvoir exprimer ce qui nous anime, nous empêche, nous porte ou nous effraie pour pouvoir avancer.
Portraits soufflés est un projet artistique pensé avec l’équipe soignante mêlant travail photographique et plastique, et permettant à chacun et chacune de pouvoir exprimer ce qu’il et elle souhaite, à l’instant où il et elle est.
Tenter en trois temps de travailler sur le lien entre corps et esprit par le travail artistique :
Le premier temps est la fabrication d’un masque où l’adolescent.e va pouvoir mettre en symbole, plastiquement, ce qu’il, elle, souhaite dire d’elle, de lui : émotions, passions, envies, peurs,… en réfléchissant à ce qu’il, elle, met à chaque endroit de la tête (front, yeux, bouche,…) pour que cela fasse sens.
Le second temps est une prise de vue photographique théâtrale, avec le masque, qui permet de jouer avec la posture, l’éclairage et le cadre, afin d’exprimer, cette fois-ci, avec le corps ce qu’on veut dire. Soit en lien avec le masque, soit pas du tout.
Le troisième temps est un temps de travail plastique sur les photographies. Une plaque de plexiglas souple est placée sur la photographie imprimée, et l’adolescent.e va venir ajouter des matières soufflées (encre, pigments,…), ainsi que d’autres qui se sont rajoutées au fur et à mesure qu’ils, et elles, se sont emparé.e.s du projet, sur la plaque, dialoguant et transformant alors la photographie. Parfois accentuant ce qu’elle exprimait, parfois changeant son sens.
Une nouvelle prise de vue, par-dessus le plexiglas, donne la photographie finale. L’image est alors emplie de matière, à la fois symbolique et concrète. Elle est chargée de sens et de substance physique. Le plexiglas accentuant encore un peu plus l’impression de flou, de mélange, donnant un rendu proche parfois de la peinture.
Pouvoir inspirer, expirer, respirer, souffler, connaître, se connaître, restaurer, construire et reconstruire, rapiécer, recoudre, s’étirer, s’étendre, lâcher, tenir, grandir, lier, se lier, s’épanouir,
Vivre et se laisser vivre.
Lydie Turco
Avec le soutien du dispositif Culture santé, de la Drac, de l’ARS, du département de Seine Maritime, de la Région Normandie, de la Métropole Rouen Normandie, du CHU de Rouen.
Du 7 juin 2024 au 12 septembre 2024, Porte 10 du CHU de Rouen, département culture à l’hôpital, cour d’honneur, 1 rue de Germont, Rouen.